GUARANI

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Les Indiens Guarani constituent les groupes les plus méridionaux de la famille Tupi, la plus largement distribuée sur le continent sud-américain au temps de sa découverte. Jusqu’au XVIIe siècle, ils occupaient le sud de la côte brésilienne et s’étendaient vers l’intérieur jusqu’au fleuve Paraguay. Tard venus sur ces terres où les avaient conduits de récentes migrations, ils étaient alors en pleine expansion géographique et démographique. La conquête espagnole eut tôt fait d’y mettre un terme. Aujourd’hui ne subsistent que quelques communautés éparses, surtout au Paraguay: au total guère plus de 5 000 Indiens. Quoiqu’on les dise assimilés, ils s’efforcent de préserver leur culture: soucieux d’affirmer leur originalité, ils se pensent comme Indiens et entendent rester tels. S’ils ont tout oublié des anciennes coutumes, ils ont conservé – presque inchangées – les traditions mythiques et religieuses d’autrefois, seule forme de vie culturelle qui fût possible en situation «de contact».

Avant la conquête

Comme toutes les tribus de la forêt tropicale, les Guarani pratiquaient l’agriculture sur brûlis: manioc, maïs, haricot, tabac, coton étaient les principales espèces cultivées. En dépit du peu de temps consacré aux travaux agricoles (le plus gros du travail, le défrichage, était effectué collectivement), ils produisaient d’importants surplus. À ces ressources s’ajoutaient celles de la collecte, de la pêche et surtout de la chasse. Périodiquement (tous les cinq ou six ans), il fallait défricher un autre espace de forêt et par suite reconstruire le village à proximité des nouvelles plantations. Quatre à huit grandes maisons collectives disposées en carré formaient un village, chacune pouvant abriter de trente à soixante familles, soit environ cent à deux cents personnes. Plusieurs villages étaient entourés d’une double ou triple palissade: pareilles précautions défensives indiquent que les Guarani n’étaient point pacifiques; leur nom, du reste, signifie «guerriers» (déformation de guarini : «faire la guerre»). Si, contre des non-Guarani, les guerres n’étaient qu’occasionnelles, entre Guarani la guerre était une institution, chaque tribu étant engagée par rapport aux autres dans un interminable cycle de vengeance. La vengeance était le motif principal d’expéditions guerrières dont le but était moins de tuer des ennemis que de faire des prisonniers destinés à être dévorés. Le cannibalisme était en effet un autre trait remarquable de tous les Tupi-Guarani. Après une période de captivité variant de quelques mois à plusieurs années (durant laquelle il était relativement libre et pouvait se marier), le prisonnier était mis à mort sur la place du village suivant un rituel long et compliqué. Son corps était ensuite dépecé et mangé par tous, y compris les jeunes enfants que l’on encourageait à cette occasion à bien se venger plus tard. Bien entendu, la conquête européenne interrompit définitivement le mode de vie traditionnel des tribus.

Guarani et Jésuites

On ne saurait parler des Guarani sans évoquer cet épisode original de leur histoire postcolombienne: la vie dans les missions jésuites. En 1609, le roi d’Espagne Philippe III, à la demande du gouverneur du Paraguay, accordait aux Jésuites le droit d’entreprendre la «conquête spirituelle» des 150 000 Indiens du Guaira. L’année suivante, la première mission était fondée; trente ans plus tard, les pères avaient fondé plus de vingt cités; finalement, trente cités réuniront près de 300 000 Guarani. Durant un siècle et demi – jusqu’en 1767, date d’expulsion des Jésuites –, l’histoire des Indiens se confond avec celle des «réductions» dont l’établissement permit la réalisation d’une curieuse expérience sociale. Les Jésuites créèrent un système communautaire fondé sur des principes chrétiens, qui devint rapidement une puissance économique et politique: la «république communiste chrétienne», le «royaume de Dieu sur terre» ou plus simplement l’«État jésuite du Paraguay». Si la majorité des Guarani acceptèrent les missions, quelques communautés les refusèrent toujours et sont nommées, depuis lors, Caaigua , «gens de la forêt». Il ne suffisait pas aux «conquérants spirituels» d’instruire les Indiens dans la foi chrétienne: il fallait auparavant les faire renoncer à toutes leurs coutumes. La tactique fut efficace; les Jésuites imposèrent d’abord une nouvelle organisation spatiale: villages à l’européenne, au lieu de la maison collective des maisons familiales; au lieu d’une place centrale, des rues; l’ancienne vie n’était plus possible dans ces nouveaux cadres. Ensuite, ils établirent une nouvelle organisation du temps: si autrefois les Indiens avaient partagé leur temps entre les guerres et les fêtes, ils allaient désormais – les unes et les autres ayant été supprimées – pouvoir le consacrer à la prière et au travail, à l’élevage et à l’agriculture: les missions très vite s’enrichirent. Enfin, les Jésuites eurent à lutter contre les chamanes. À maintes reprises, ceux-ci tentèrent de soulever les Indiens contre les missionnaires; ils multiplièrent les mouvements messianiques en quête de la «Terre sans Mal» (de tels mouvements s’étaient produits dès avant les missions et, vraisemblablement, dès l’époque précolombienne). Là peut-être l’entreprise jésuitique fut-elle un échec partiel: les chamanes conservèrent toujours sur les Indiens une indéniable influence. La fin des missions fut aussi celle des Indiens qui y vivaient; beaucoup moururent, d’autres se mêlèrent à la population paraguayenne, très peu regagnèrent la forêt.

Les Indiens d’aujourd’hui

L’habitat et le mode de vie des Guarani n’ont plus grand-chose à voir avec ceux d’autrefois et diffèrent très peu de ceux des paysans paraguayens les plus pauvres. Pourtant ils refusent toujours l’assimilation pure et simple, et seul un attachement obstiné à leurs traditions religieuses a pu maintenir la cohésion des dernières communautés indiennes. Toute leur éthique est fondée sur le maintien de cette tradition et sur le refus des valeurs occidentales tant matérielles que spirituelles. Selon la cosmogonie indigène, la première terre fut créée puis détruite, par l’incendie et le déluge universels, avec la première humanité qu’elle portait. Cette terre, la seconde par conséquent, également imparfaite, est aussi vouée à la destruction. Le seul moyen d’échapper à un cataclysme que les Indiens pensent imminent est de découvrir le chemin de la Terre sans Mal, indestructible celle-là, terre des dieux et des ancêtres où le maïs pousse tout seul et où l’on ne meurt pas. Toutes les pratiques religieuses sont tournées vers cet objectif: les prières, où l’on demande aux dieux de dévoiler le chemin; le jeûne et la danse, destinés à alléger le corps et à rendre plus aisée sa migration «au-delà de la mer» où, dit-on, se trouve la Terre sans Mal. On sait que du XVIe jusqu’au début du XXe siècle, la quête de la Terre sans Mal suscita de très vastes mouvements migratoires, que de tels mouvements ont probablement existé à l’époque précolombienne (peut-être furent-ils une des causes de la vaste dispersion des peuples Tupi-Guarani). Aujourd’hui encore, il arrive qu’un individu ou une famille quitte sa communauté pour partir à sa recherche. C’est dire que la tradition que perpétuent les Guarani est originale et ne doit rien à l’enseignement des missionnaires ou à un quelconque syncrétisme. On sait du reste que l’un au moins des groupes actuels descend des Caaigua et non des Indiens christianisés. Le surprenant paradoxe d’un messianisme de conquérants constitue le caractère le plus remarquable de ce qui fut la culture guarani.

guarani [ gwarani ] adj. et n.
• 1840; mot guarani
1Qui appartient à une population indienne du Paraguay. La culture guarani.
N. Les Guaranis. tupi. N. m. Le guarani : la langue des Guaranis.
2 N. m. Unité monétaire du Paraguay.

guarani adjectif Relatif aux Guaranis. ● guarani nom masculin Langue indienne, proche du tupi, parlée au sud du Brésil, au nord de l'Argentine et surtout au Paraguay (où on la considère parfois comme la langue nationale) par environ 1 500 000 locuteurs. Unité monétaire principale du Paraguay.

Guarani(s)
Indiens d'Amérique du Sud (groupe linguistique tupi-guarani) vivant principalement au Paraguay.

⇒GUARANI, adj. et subst.
(Celui, celle) qui appartient à l'ethnie Guarani, peuple indigène de l'Amérique du Sud, notamment du Paraguay. Les Guaranis et les Moxéens avaient de vastes pirogues (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 218). Son père, à elle, était un voleur guarani, un pillard (BERNANOS, Nuit, 1928, p. 26).
Subst. masc. Langue de cette ethnie. Donne ton couteau, disait-elle tout bas en guarani. Je le veux. Donne! Donne! (BERNANOS, Nuit, 1928p. 28). En guarani (...), la présence d'un morphème comportant une nasale entraîne la correspondante nasale de la consonne orale du lexème (Langage, Pottier, 1968, p. 302).
Prononc. : []. Étymol. et Hist. 1803 Guarinis [sic] (CHATEAUBR., Génie, t. 2, p. 433); 1840 ethnol. et ling. Guarani (Ac. Compl. 1842). Nom par lequel se désignent les Guaranis (tribu indienne originaire du Paraguay, aussi appelée tupi-guarani); prob. entré en fr. par l'intermédiaire de l'esp. (cf. P. ANTONIO RUIZ, Tesoro de la lengua guarani, Madrid 1639, et nombreux autres ouvrages des XVIIe et XVIIIe s. traitant de la lang. guarani cités ds Lar. 19e).

guarani [gwaʀani] adj. et n.
ÉTYM. 1840; guarini, Chateaubriand, 1803; mot guarani.
Qui appartient à une population indienne du Paraguay. (Invar. en genre). || La culture guarani.N. || Un Guarani, une Guarani. || Des Guarani ou des Guaranis. aussi Tupi. En appos. || Tupi-guarani.N. m. || Le guarani : la langue des Guaranis. || Parler guarani, le guarani.
0 La substance de la société guarani, c'est son monde religieux. Que se perde pour eux l'ancrage en ce monde : alors la société s'écroulera. Le rapport des Guarani à leurs dieux est ce qui les maintient comme Soi collectif, ce qui les rassemble dans une communauté de croyants.
Pierre Clastres, le Grand Parler, Mythes et chants sacrés des Indiens, p. 8.
Unité monétaire principale du Paraguay.
DÉR. Guarana.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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